Les syndicats secondaires
1 – La loi « ELAN » du 23 novembre 2018 (loi n° 2018-1021) avait créé l’article 1-1 de la loi du 10 juillet 1965, précisant le moment de la naissance du syndicat des copropriétaires.
L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis est venue préciser les modalités relatives à la création d’un syndicat secondaire.
Un syndicat secondaire de copropriété est une entité distincte créée pour gérer des parties ou des éléments spécifiques d’une copropriété.
Traditionnellement, une copropriété dispose d’un Syndicat des copropriétaires unique qui est responsable de la gestion de l’ensemble de l’immeuble et de ses parties communes.
Cependant, dans certains cas, la création d’un Syndicat secondaire peut s’évérer nécessaire pour la gestion de parties communes spécifiques nécessitant une attention particulière.
Ces syndicats secondaires sont autonomes tant dans leur gestion financière qu’au niveau des décisions et des règles appliquées, leur principal objectif étant de permettre aux copropriétaires de gérer plus efficacement les parties spécifiques de l’immeuble qui les concernent directement en leur donnant plus de contrôle et de responsabilités sur ces éléments.
I –. Conditions de création d’un syndicat secondaire
L’article 27 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que lorsque la copropriété comporte plusieurs bâtiments, un syndicat secondaire des copropriétaires peut être créé soit ab initio dans le règlement de copropriété, soit ultérieurement par une assemblée générale spéciale des copropriétaires du bâtiment concerné à la majorité de l’article 25 de la loi.
# Il faut donc comme condition première que l’immeuble comporte plusieurs bâtiments distincts compris comme des constructions matériellement distinctes et indépendantes des unes des autres pour permettre une gestion particulière même si ces constructions sont desservies par des équipements ou des aménagements communs [Cass. 3ème Civ. 12 juillet 2018, n°17-26.133].
En l’absence de bâtiments séparés, il ne peut être constitué de syndicat secondaire [Cass. 3ème Civ. 20 novembre 2007, n°07-12.000] ou en cas d’unicité du gros œuvre de deux bâtiments [Cass. 3ème Civ. 26 février 1997, n°95-12.709] ou encore en cas de surélévation d’un immeuble [Cass. 3ème Civ. 2 octobre 2001, n°00-12.525].
Également, l’article 27 de la loi du 10 juillet 1965 exclut que le propriétaire de tous les lots d’un bâtiment puisse obtenir la création d’un syndicat secondaire des copropriétaires [Cass. 3ème Civ. 28 janvier 2016, n°14-29.582].
# Il faut ensuite que les copropriétaires dont les lots composent l’un ou plusieurs de ces bâtiments se réunissent en assemblée spéciale et décident la constitution entre eux, d’un syndicat secondaire à la majorité de l’article 25.
Le principe est acquis de longue date en jurisprudence : la constitution d’un syndicat secondaire ne peut être décidée que par une assemblée générale spéciale des copropriétaires concernés.
Une telle décision ne peut être implicite et ne relève pas de la compétence de l’assemblée générale des copropriétaires du syndicat principal [Cass. Civ. 3ème 22 septembre 2004, n°03-10.069].
Dans un arrêt ultérieur, la Cour de Cassation est venue rappeler, en cassant l’arrêt de la Cour d’Appel, l’interdiction implicite de la décision de créer un syndicat secondaire : « la circonstance que le règlement de copropriété prévoie des parties communes spéciales et que soient appelées des charges spéciales sur lesquelles seuls les copropriétaires concernés sont appelés à délibérer, ne suffit pas à caractériser la création d’un syndicat secondaire des copropriétaires » [Cass. Civ. 3ème 14 mars 2019, n°18-10.214].
De ce fait, « parties communes spéciales » et « syndicat secondaire » sont deux notions juridiques bien distinctes : la première est une qualification juridique, la seconde est une entité juridique à part entière.
# La décision de créer un syndicat secondaire s’impose aux autres copropriétaires.
Un syndicat principal n’a pas qualité à agir à contester la création d’un syndicat des copropriétaires [Cass. 3ème Civ. 30 novembre 2023, n°22-21.579].
Cependant, pour un copropriétaire relevant à la fois du Syndicat principal et du Syndicat secondaire, il a qualité à contester la création du syndicat secondaire et son action relevait des dispositions de l’article 42, alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965, à l’exclusion de l’alinéa 2 de ce texte [Cass. 3ème Civ. 26 mai 2016 n°15-14.475].
Une fois la résolution votée, une déclaration du syndicat secondaire doit être remplie précisant les parties communes qui seront gérées par le syndicat, ses objectifs, ses règles internes et ses modalités de fonctionnement et signée par les copropriétaires constituant le syndicat secondaire.
Un règlement interne au syndicat secondaire peut être établi et adopté en assemblée générale. A défaut, le Syndicat secondaire sera régi par le règlement de copropriété du syndicat principal [Cass. 3ème Civ. 5 avril 2018, n°17-14.611].
Un représentant légal (syndic bénévole ou professionnel) doit être enfin désigné puisque le syndicat secondaire est une personne morale distincte du syndicat principal.
Dans les faits, le syndic peut être le même que celui du syndicat principal.
En revanche, il n’y a pas lieu de procéder à publicité foncière des actes de constitution du syndicat secondaire s’agissant de votes d’assemblée spéciale [Cass. 3ème Civ. 4 février 2004, n°02-14.742].
Également, une nouvelle répartition des charges sera décidée à la majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 (et non à l’unanimité – Cass. 3ème Civ. 10 mars 1981 n°79-15.801), puisque la création d’un syndicat secondaire a pour principe d’isoler la gestion et la conservation d’un bâtiment spécifique.
De ce fait, la création d’un syndicat secondaire implique une spécialisation des charges communes jusqu’alors réparties entre tous les lots et nécessite une modification du règlement de copropriété.
# Dans un arrêt rendu le 5 avril 2018 (n°17-14.611), la Cour de Cassation confirme un arrêt de la Cour d’Appel qui avait rejeté la demande, d’un copropriétaire d’un syndicat secondaire, d’annulation de résolutions d’une AG prises, selon lui, en contradiction avec l’existence du syndicat secondaire, au motif que « la création d’un syndicat secondaire implique une spécialisation des charges communes ce qui nécessite une modification du règlement de copropriété » et « en l’absence d’une telle modification, il ne pouvait être tiré argument du fait que le syndicat principal avait continué à gérer l’ensemble de l’immeuble et en particulier les bâtiments relevant du Syndicat secondaire. »
II –. Périmètres d’action d’un syndicat secondaire
L’objet d’un syndicat secondaire doit être limité à la gestion, l’entretien et l’amélioration interne des bâtiments pour lesquels il a été constitué.
Cependant, cet objet peut faire l’objet d’une extension avec l’accord de l’assemblée générale de l’ensemble des copropriétaires statuant à la majorité de l’article 24.
Faute d’une extension de son objet, le syndicat secondaire ne peut voter sur une question qui n’entre pas au sens strict dans sa mission (en l’espèce, l’entretien des espaces verts dont la copropriété réunie en syndicat secondaire a la jouissance – Cass. 3ème Civ. 28 janvier 1998 n°95-21.590].
1. Périmètre matériel:
Le périmètre d’action d’un syndicat secondaire dépendra des décisions votées par les copropriétaires.
En général, il sera responsable de la gestion des parties communes qui lui sont attribuées comme par exemple :
d’une ou plusieurs parties communes spécifiques : jardin, piscine, salle de sport, terrasse sur le toit ; parking souterrain, aire de jeux pour enfants, etc…
de bâtiments ou secteurs distincts : les halls d’entrée, les couloirs, les ascenseurs, etc..
de services spécifiques : la sécurité, le nettoyage, l’entretien paysager, la gestion des déchets, etc…
Périmètre financier et comptable
# Les membres du syndicat secondaire supportant seuls les frais afférents à leur bâtiment, un fonds distinct, séparé du fonds de réserve du syndicat principal, doit être créé, afin de financer les dépenses liées à la gestion des parties communes spécifiques, services spécifiques, etc…
Ces copropriétaires ne financeront plus les dépenses inhérentes aux autres bâtiments mais continueront toutefois à contribuer au paiement des charges exposées dans l’intérêt de tous les membres du syndicat principal (gestion de la chaufferie collective et commune, gestion des voies communes, etc…).
Un syndicat secondaire dispose donc de son propre patrimoine : il a donc sa propre comptabilité et un budget prévisionnel spécifique.
Périmètre juridique et judiciaire:
# Le syndicat secondaire a la possibilité de recourir à des actions judiciaires afin de garantir le respect du règlement de copropriété notamment en ce qui concerne les dispositions qui concernent exclusivement les copropriétaires de son ou ses bâtiment(s), etc..
Il peut agir contre l’assureur de l’immeuble en cas de sinistre intervenu dans l’un des bâtiments dont il a la gestion [Cass. 3ème Civ. 11 mai 2000, n°98-17.268].
# En revanche, il ne peut agir en justice pour la défense des intérêts relevant de l’ensemble de la copropriété [Cass. 3ème Civ. 14 décembre 1982 n°81-13.737].
Le syndicat secondaire ne peut non plus porter atteinte aux droits des autres copropriétaires [Cass. 3ème Civ.30 juin 1992 n°90-17.436].
# La personnalité juridique d’un syndicat secondaire est acquise est opposable aux tiers de sa constitution jusqu’à sa suppression même s’il a été créé en application d’une clause du règlement de copropriété réputée non écrite par la suite [Cass. 3ème Civ. 20 mai 2009 n°07-22.051].
III –. Suppression d’un syndicat secondaire
Le même parallélisme de procédure que pour la constitution d’un syndicat secondaire doit être respecté pour procéder à sa suppression.
Seule une assemblée générale spéciale des copropriétaires du syndicat secondaire peut décider de la suppression du syndicat.
Le syndicat principal de copropriété n’a pas à être entendu ou appelé à l’instance qui a pour objet l’annulation de l’assemblée générale constitutive du syndicat secondaire.
Par un arrêt rendu le 30 novembre 2023 (n°22-21.579), la 3ème Chambre de la Cour de Cassation est venue rappeler ce principe.
L’instance avait pour objet l’annulation d’une assemblée générale spéciale des copropriétaires d’un bâtiment, constitutive d’un syndicat secondaire et donc sa suppression.
Des copropriétaires du même bâtiment avaient assigné le syndicat secondaire en annulation de l’assemblée spéciale.
Pour que la procédure en annulation soit valable, le Syndicat secondaire faisait valoir que le Syndicat principal des copropriétaires devait être appelé dans la cause, au motif que la constitution ou la suppression d’un syndicat secondaire intéressait directement l’organisation et le fonctionnement d’une copropriété.
Pour la Cour de Cassation, le Syndicat principal des copropriétaires n’étant pas convoqué à l’assemblée générale spéciale ayant pour objet soit la constitution, soit la suppression d’un syndicat secondaire, il n’a pas intérêt ni qualité à intervenir dans le cadre d’une telle procédure judiciaire.
Marie Anne BRUN PEYRICAL
Avocat à la Cour
Of Counsel – Droit Immobilier