La non présentation d’enfant
En matière de garde d’enfant, comme ailleurs, il ne suffit pas d’obtenir une décision de justice, encore faut il la faire appliquer.
Dans un contexte de divorce ou de séparation, la non-présentation d’enfant malgré une décision du juge aux affaires familiales est un problème fréquent
Situation dans laquelle le juge civil se trouve impuissant, faute pour lui de posséder des moyens concrets de faire exécuter ses décisions.
C’est ainsi qu’a été créé le délit de non-présentation d’enfant pour permettre au juge pénal, mieux armé (et peut être plus intimidant), de contraindre le parent réfractaire à exécuter la décision judiciaire.
Il est défini par l’article 227-5 du Code pénal qui prévoit que :
« Le fait, pour un père ou une mère, de refuser indûment de représenter son enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer en vertu d’une décision de justice est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende ».
Trois conditions doivent donc être réunies pour que l’infraction soit caractérisée :
- Décision judiciaire : Il doit exister une décision de justice qui fixe les modalités de garde et de visite ;
- Refus de présentation : Malgré cette décision, l’un des parents doit refuser de présenter l’enfant l’autre parent, sans motif légitime ;
- Intentionnalité : L’acte doit être commis de manière intentionnelle
Alors que faire si l’on est confronté à ce type de situation ?
Dans le contexte familial, il est toujours mieux de tenter amiablement le différent que cela soit directement ou dans le cadre d’une médiation familiale.
Si les démarches amiables échouent, le parent lésé peut déposer une plainte auprès de la police de la gendarmerie ou directement auprès du Procureur de la République.
Il est crucial de fournir tous les documents nécessaires, notamment le jugement de garde et les preuves de non-présentation (e-mails, SMS, témoignages, etc.).
Cependant, ces plaintes n’aboutissent que très rarement, pour ne pas dire jamais. Cette infraction n’intéressant guère les enquêteurs et les membres du Parquet qui considèrent au regard de leur moyens limités que leur attention est requise ailleurs.
C’est pour cela que le moyen le plus efficace pour faire réprimer une non-présentation d’enfant, c’est de procéder par voie de citation directe.
La citation directe consiste à se substituer au Ministère Public et faire citer soit même le parent récalcitrant devant le tribunal correctionnel.
Mais se substituer ainsi au Ministère Public nécessite de réunir l’ensemble des éléments démontrant la culpabilité du parent cité puisqu’il n’y aura aucune enquête.
Et comment s’en défendre ?
Il s’agit d’une infraction formelle, c’est-à-dire qu’elle est caractérisée par le seul accomplissement de l’acte incriminé, même en l’absence de tout dommage.
Il existe donc une indifférence au motif de la non représentation d’enfants. Peu importe par exemple que cela soit les enfants qui refusent de voir l’autre parent, l’infraction sera caractérisée.
La marge de manœuvre de la défense est donc extrêmement mince.
Il existe cependant des situations où il est légitime pour l’autre parent de ne pas exécuter la décision du juge aux affaires familiales. C’est par exemple le cas dans le cadre de violences intra-familiales où remettre l’enfant à l’autre parent présenterait des risques pour sa santé physique ou mentale.
Il est dans ce cadre précis possible d’invoquer l’état de nécessité qui est l’une des causes d’exonération de responsabilité pénale.
Similaire à la légitime défense, bien plus connue, l’état de nécessité couvre la personne qui face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien et qui accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien.
Autrement dit, il faudra démontrer qu’il existe un danger qui menace les enfants en cas d’application de la décision judiciaire.
Cette possibilité est cependant strictement interprétée par le juge pénal qui considère que si une nouvelle décision du juge aux affaires familiales intervient entre l’apparition du danger (la dénonciation de maltraitance subi par les enfants par exemple) et la commission de l’infraction, il n’est plus possible d’invoquer l’état de nécessité.
Il faut donc y penser à deux fois avant de ne pas exécuter une décision du juge aux affaires familiales, aussi désagréable soit elle.
Alexandre BERGERET
Avocat Pénaliste – Barreau de Paris